Laissez moi être votre plus belle mauvaise herbe ~ Feat. Willow

Il faut dire qu'il s'était passé quelques semaines après ma dernière rencontre avec la Lieutenant chef Wetherhold. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle me manquait mais... nos chamailleries me plaisaient bien, malgré tout. Nous nous étions quitté sans même un « au revoir » mais un sourire aux lèvres que ni l'un ni l'autre ne s'était avoué, et encore moins montré. C'était de bonne guerre de toute façon. Elle avait un sacré répondant et de mon côté je n'avais toujours pas encaissé l'interrogatoire qu'on m'avait fait subir, en partie par sa faute... : rancunier à souhait, je dois admettre. Quoi qu'il en soit depuis qu'elle m'avait fait perdre mon boulot, il avait fallu que je rebondisse, rapidement. Pour une question financière, bien que je n'avais pas encore de soucis de ce côté là je préférais quand même prendre les devants. Mais c'était plus pour une occupation à avoir. Mon poste d'agent de sécurité près des quais avait été un véritable fiasco. Il faut croire que l'illégalité me colle presque à la peau.



J'avais tenté ma chance dans une salle de sport, en temps que coach sportif (non diplômé pour l'instant). Ils avaient besoin de main d’œuvre et sans grande conviction, j'avais tenté ma chance et ça avait porté finalement ses fruits pour quelques semaines du moins. J'adorais la musculation, le sport en général. Je passais mon temps libre à suer dans ma pseudo salle de sport qui occupait une partie de la maison : de mon garage plus précisément, qui n'avait pas eu jusque là grand intérêt si ce n'est pour garer ma magnifique Mustang. L'entretiens d'embauche que j'avais eu ne s'était pas montré des plus simples mais il faut croire que ma belle gueule y avait été pour quelques choses dans ma récente prise de poste. Mes connaissances n'étaient pas aussi assidue qu'un professionnel du sport, c'est certain mais je me défendais plutôt bien et pour seconder le coach déjà présent, ça avait l'air de leur suffire : c'était le principal. Moi, ça me convenait. Je voyais à longueur de temps des femmes aux silhouettes de mannequin qui plus est alors je n'allais pas me plaindre. Elle me mangeaient littéralement dans la main !

Mais c'est à la fin d'un des cours qu'une jeune femme débarquait avec un bouquet de fleurs à l'entrée du bâtiment, caché derrière celui-ci de part sa taille toute menu. Je l'avais accueillis, un peu surpris de la voir débarquer avec toutes ses roses et elle m'informait vouloir livrer ce trop plein de romantisme à l'une de mes collègues, Ashley, dont le mari avait sûrement quelque chose à se faire pardonner. Quelle horreur... ça m'aurait donné la nausée... bref : j'aidais la jeune femme et écoutais l'échange qu'elle avait eu avec Ashley, à distance, apprenant par la même occasion qu'elle livrait depuis Brooklyn dans une petite boutique du nom de « Le Jardin d'Ava ». Elle s'était présentée à sa cliente et son nom ne m'avait pas paru inconnu : Gemma Wetherhold.

Il ne m'en avait pas fallu davantage pour mener ma petite enquête de mon côté, le soir même. Si la Lieutenant chef était douée dans son travail, je l'étais aussi pour arriver à mes fins. Et c'est avec une certaine surprise que j'avais appris l'affaire familiale de Wetherhold. Une petite boutique située dans le quartier de Brooklyn, près du pont, idéalement situé avec l'ambiance fleur bleue du quartier avoisinant. Le gérant était un vieillard qui semblait tenir à sa boutique comme à la prunelle de ses yeux et la jeune femme croisée la veille à la salle de sport ne devait être que... la sœur de la Lieutenant.

J'avais mis quelques jours à me décider, mais j'avais pris les devants : j'avais regagné la boutique d'un coup de voiture lors d'un de mes jours de repos. Et une fois sur les lieux, j'avais fais mine de vouloir acheter une composition mais je m'étais finalement proposé à leurs rendre quelques services, assurant les livraisons quand le travail ne permettait plus de le gérer à deux. Gemma s'était souvenue de moi - comment m'oublier en même temps - et m'avouait ne pas avoir assez de temps pour assurer la livraison de leurs commandes. Et le temps, c'est de l'argent et des ventes de perdues si elles n'arrivent pas à bon port en temps voulu. Et c'est avec un sourire charmeur que j'avais eu gain de cause, m'engageant pour les dépanner régulièrement quand le besoin se ferait ressentir. Ça me permettait non seulement de découvrir davantage la ville mais surtout de faire royalement chier la Lieutenant chef quand elle apprendra la nouvelle. Indirectement, c'était aussi un moyen de peut être la revoir mais ça, c'est un détail que je gardais bien pour moi...



J'avais passé le pas de la porte, sourire aux lèvres en observant Gemma et Matteo derrière leur comptoir. J'avais lancé les clés du véhicule à Gemma, qu'elle réceptionnait comme une pro – Toutes les commandes ont été livrées en temps et en heure... - lançais je en les rejoignant devant le comptoir. Je plongea ma main dans la poche de mon pantalon et ressortait quelques billets de là - … et ça... c'est de la part de la vieille dame de la 96ème... - je glissais le tout dans le pot prévu à cet effet, sourire aux lèvres alors que le grand père et la petite fille avaient eux aussi un large sourire. Mais bizarrement, c'était pas forcément parce que j'étais revenu à la boutique en avance (ça vous étonne aussi?) :

Alex, j'te présente Willow, ma sœur. - disait la jeune femme haute comme trois pommes derrière son comptoir. Mon visage avait radicalement changé, en une fraction de seconde. J'avais tourné mon visage en sa direction, et me retrouvais avec la Lieutenant dans la boutique, à quelques mètres de là. J'avais fais un mouvement de recul, alors que le comptoir de la boutique me stoppait dans mon mouvement. C'était pas quelque chose à laquelle j'étais préparé, là, tout de suite.

Lie... - je raclais ma gorge. Merde. Je n'avais pas prévu de la voir aussi rapidement ici. J'avais retourné mon regard en direction de Matteo et Gemma qui n'avait sûrement aucune idée des relations qu'on avait jusqu'ici moi et la Lieutenant chef. Et s'ils savaient, je n'aurais probablement pas eu ce petit job en supplément d'ailleurs.



@Willow Wetherhold  

« Oh ! On a engagé un gars pour nous aider avec les livraisons de temps en temps ! » J’avalais mon dernier beignet de crevette en saluant la nouvelle d’un signe de tête.  « Un gars ? » « Ouai il est venu proposer ses services après une livraison que j’ai fait à son autre boulot. » Je plissais les yeux en observant Gemma. « Quoi ? » « Il est canon ! » « Mais ? Pourquoi tu dis ça ? » « Ton sourire bêbête en parlant de lui ! » Gemma éclatait de rire. « Ok, j’avoue madame la lieutenant-chef, il est canon ! Mais beaucoup trop vieux et pas mon genre. » Je levais les yeux au ciel, amusée de connaître aussi bien ma sorellina. « Si y’avait pas Matthew, c’est le genre de mec qui te plairait bien par contre ! D’ailleurs, comment ça va avec lui ? » Et si sa remarque m’avait fait rire, sa question m’avait un peu crispée. J’avais raconté le fiasco de ma réaction au cadeau de Matthew et Gemma m’avait remonté les bretelles. Nonno et elle adoraient Matthew et je méritais un peu la leçon de morale qu’elle m’infligeait. « Je suis comme ça, j’y peux rien ! » avais-je fini par couiner et Gemma m’avait regardée, désolée. « Je sais bien… On t’aime comme ça tu sais ? » J’avais haussé les épaules, échangeant un regard un peu triste avec Gemma parce que je m’en voulais de pas correspondre assez au médecin. « Mais ça va quand même entre vous, nan ? » Et j’avais hoché la tête. « Il a pas l’air de m’en vouloir… » Mais quelque part, au fond de moi, j’avais l’impression que je finirai par le blesser et cette idée me faisait chier. J’aimais beaucoup Matthew et détestait l’idée de lui faire de la peine d’une façon ou d’une autre.
Préférant changer de sujet, je me remémorais la nouvelle embauche de la boutique de fleurs. «Bref, un livreur. C’est cool ! Manque plus que Nonno prenne sa retraite ! » Et après un regard, on se mettait à pouffer. Nonno, il connaissait pas ce mot. Malgré son petit malaise cet été, il n’y songeait pas. Certes, c’est Gemma qui bossait la plupart du temps, mais il ne pouvait pas s’empêcher de passer tous les jours faire quelques compositions.

*********

Comme toutes les semaines, j’étais venue chercher Nonno pour aller déjeuner dans son restaurant italien préféré. De retour après une partie d’échec dans un parc et une balade pendant laquelle on avait discuté de tout et de rien mais surtout de Rollins, Matthew et de la vie, je l’avais raccompagné à la boutique où Gemma était en train de terminer une composition. « Il a pas voulu que je le ramène chez lui. » Je me faisais gronder en italien et lui répondais de la même façon.
Comme j’aimais le faire, je faisais un tour de la boutique, observant les fleurs fraîches dans leurs vases et me retournait au moment où quelqu’un était entré. Cette voix et surtout cet accent, je le reconnaissais. Pivotant sur moi-même, je l’observais faire le compte-rendu de ses livraisons et je sentais bouillir en moi la rage en comprenant qu’il s’était incrusté dans l’affaire familiale. Gemma souriait largement, faisant les présentations mais quand je croisais le regard d’Alex qui semblait tout aussi surpris que moi - tu parles, il devait m’attendre depuis le temps ! - je marmonnais en italien. Qu’il me trouve encore plus sexy tiens ! « Mais quel emmerdeur ! » Il s’était retourné vers Nonno et Gemma et je plissais le regard comme si je pouvais lui poignarder le dos avec. Pas mortellement, juste assez pour le piquer comme sa présence ici me piquait.

« Willow, tu le connais ? » « Bien sûr que je le connais c’est un emmerdeur de première ! » « Tu dis ça avec humour ou… » « C’est un pisseur de thé et un boomerang. t’as beau le jeter, il revient toujours ! » Ça avait fait rire Gemma qui se mordait les joues pour ne pas éclater de rire alors que son regard faisait des allers-retours entre nous. Moi, je rigolais pas, j'avais envie de tuer Alex sur place. « Comment tu l’as rencontré ? » « Un accident de voiture dans lequel il était impliqué, je suis intervenue parce que je passais par là. » Je passais sous silence notre dernière entrevue liée à des affaires plus illégales. « Et c’est un emmerdeur parce que ? » « Parce qu’il est toujours là où on ne s’y attend pas ! » avais-je répondu en anglais cette fois, attrapant Alex par le bras pour l’entraîner jusque devant la boutique, à l’extérieur.
« Donnez moi une seule raison de leur dire de ne pas vous virer. » Je croisais les bras, plantant mon regard dans le sien. Oh, là tout de suite, j’avais pas envie de rigoler avec lui. « Ma famille, on touche pas ! Vous êtes tellement obsédé que vous vous démerdez pour vous faire embaucher par ma soeur et mon grand-père ? Vous êtes pas qu’un connard, vous êtes un psychopathe ! » J’avais tellement envie de l’assommer à coup de cactus, de l’étrangler avec du bolduc et de l’emballer dans du film fleuriste avant de le réexpédier chez les rosbifs. Bordel ce que ce mec me rendait dingue !! Et pas dans le sens qu’il espérait ! Pendant ce temps, derrière le comptoir de la boutique, Nonno et Gemma nous observait sans même chercher à se cacher. De toute façon, on ne leur prêtait pas beaucoup d’attention.

Tout ne se passait pas comme prévu. Enfin... y'avait pas de plan, à proprement parler mais je n'avais pas imaginé recroiser la Lieutenant dans ces circonstances là. Et même si j'avais anticipé sa réaction – de la colère au delà de tout autre sentiment qu'elle refoulait – je dois avouer que je n'étais pas dans une situation des plus confortables qu'il soit. Mon regard avait croisé le sien. Si noir.. qu'il en était déstabilisant. Je laissais la Lieutenant chef discuter avec sa sœur mais ne comprenais absolument rien à ce qu'elle pouvait dire sur moi. L'italien était une langue que je ne connaissais pas, et je dois bien avouer que la Lieutenant n'avait pas l'air très enchanté de ma venue jusqu'ici. Pourtant... il fallait qu'elle s'y fasse. Gemma avait lâché un rire, Matteo se retenait également mais Wetherhold – enfin la grande sœur – n'avait pas déchanté jusque là et ne cachait pas le moins du monde sa colère de me voir sur ses terres :

… Parce qu’il est toujours là où on ne s’y attend pas !

Ah bah ça pour le coup j'ai compris... - murmurais je alors que Willow m'agrippait le bras sans ménagement pour m'attirer à l'extérieur de la boutique :

Donnez moi une seule raison de leur dire de ne pas vous virer. - me demandait la jolie brune une fois sur le trottoir, dans la rue.

Parce que... je bosse pas trop mal ? - avais je demandé en grimaçant, presque craintif de la réaction de la jeune flic face à moi. Les bras croisés, je l'observais, plongeant mes mains dans mes poches alors que l'animation du quartier et les klaxons avoisinants venaient rompre la tranquillité de la boutique de fleurs :

Ma famille, on touche pas ! Vous êtes tellement obsédé que vous vous démerdez pour vous faire embaucher par ma sœur et mon grand-père ? Vous êtes pas qu’un connard, vous êtes un psychopathe !

Ne vous mettez pas autant sur un piédestal Wetherhold vous n'êtes pas une perle rare non plus ! - lui répondais-je, offusqué de sa réaction si excessive. J'allais pas me laisser faire non plus, faut pas croire ! Je fronçais les sourcils, agacé d'en prendre plein la tronche aussi rapidement et aussi gratuitement – Premièrement, vous m'avez dit de faire plus attention à mes employeurs alors... c'est ce que je fais non ? Quoi de plus sécur' que la famille d'une flic... - je haussais les sourcils, comme une question – Je pense que pour quelqu'un qui ménage le vi... enfin... votre grand père... je mérite autre chose que d'être traîné par le bras comme si j'étais votre caniche ! - On ne me traîne pas par le bras, moi... je soupirais, largement – Votre sœur est passée à mon autre boulot et... j'ai vu l'opportunité de les aider à la boutique. J'ai besoin de bosser, j'ai perdu mon autre job, vous vous souvenez... ? - demandais je comme un reproche, encore. J'avais eu l'occasion de cumuler deux travail alors j'avais saisie l'occasion. J'apercevais Gemma et Matteo nous regarder derrière leur comptoir et prenais davantage de distance avec l'entrée de la boutique, histoire d'être hors de leur champ de vision, emportant la Lieutenant avec moi – C'est clair que c'est pas le job de mes rêves... les fleurs et tout ce genre de conneries... pff et cette clientèle ultra romantique... ça me donnerai la nausée sans déconner... - je grimaçais, nonchalant à toutes ces idées, avant de retrouver de nouveau le regard de la Lieutenant chef face à moi – Que vous ayez passé une journée de merde, c'est pas mon problème Wetherhold. Je me fou de ce que vous pensez de tout ça. J'aide votre grand père et votre sœur : ça les arrange, et moi aussi. Mais ne vous avisez plus à me reprendre par le bras, j'suis plus votre suspect. Fini les menottes et tous vos petits joujoux. Gardez votre mauvaise humeur et votre manque d'optimisme parce que vous êtes tellement... insupportable, égoïste et de mauvaise foi, que vos sous entendus vous pouvez les carrer là où je pense...

Finissais-je par dire, en reprenant mon souffle en soupirant largement. Que c'était bon de vider un peu son sac ! Tant pis pour le retour du bâton. Si Wetherhold avait quelque chose à me dire, qu'elle ne se gêne surtout pas. Au point où on en était de toute façon... je levais les mains, comme pour apaiser la situation et surtout mes nerfs en feu. J'étais sanguin. Elle le savait. Elle l'avait vu. Et même si je m'étais emporté bien moins violemment que la dernière fois lors de l'interrogatoire, je n'avais pas pu contenir le fond de mes pensées. Et puis... qu'est-ce qu'elle avait à être aussi sexy en étant énervée elle aussi ?!

Vous devriez consulter Lieutenant chef, j'crois pas que ce soit moi le plus psychopathe des deux au final... - lançais-je en croisant mes bras, sourcils toujours froncés. Non mais...




@Willow Wetherhold

Je le regardais en écarquillant les yeux. Il était sérieux ? Il allait vraiment faire comme s’il n’y avait pas de passif entre nous, comme s’il n’avait pas un passé et que je devais trouver normal qu’un ancien criminel comme lui - enfin ancien, c’est lui qui le prétendait - travaille pour mon grand-père et ma petite soeur ? « J’ai vraiment pas envie de plaisanter Smith ! » avais-je aboyé avant de le mettre en garde. Ma famille, on touchait pas.

« Ah non ? Pourquoi ? Y’en a des perles comme moi dans votre pays baigné de thé ? » Je soutenais son regard. « Vous allez me faire croire que c’est un hasard si vous vous retrouvez ici ? » Sérieusement ? Il allait me prendre pour une idiote jusqu’au bout à me faire passer pour une hystérique qui voyait une manipulation là où il était censé y avoir que du hasard ? Oh come on ! Il n’avait pas choisi cette boutique pour la vue sur le Brooklyn Bridge, il savait à coup sûr que ma famille était là.
Je n’en revenais pas d’un tel culot. Il reprenait mes vannes de la dernière fois comme excuse. Choisir ma famille pour être sûr d’avoir un bon employeur. « Vous avez raison, et c’est parce que je veux les garder en sécurité que je vais leur conseiller de vous virer ! Parce que quoi de plus sécure pour eux que d’avoir une flic dans la famille ! » avais-je répliqué en me servant de sa réplique pleine de nonchalance.
Il évoquait mon grand-mère et je fronçais les sourcils. « Un caniche ? Un chihuahua oui… » Je levais les yeux au ciel, le réduisant à ce que je considérais comme le plus ridicule des petits chiens. « Bah tiens et si elle s’était pas appelée Wetherhold, vous vous seriez proposé aussi ? Vous venez de dire que choisir une famille de flic, c’était sécure… Vous n’êtes pas surpris de me voir ici, vous l’espériez sans doute ! » et ça, je n’allais pas en démordre. Regarde moi bien sur mon piedestal Alex Smith, je te toise d’où je suis !
« Oh et la faute à qui ? La mienne ? Quand on fricote avec des mafieux, faut s’attendre à ce que ça merde quelque part Alex ! » Il savait très bien que même sans ma présence, il aurait fini par le perdre son job, la police serait intervenue un jour ou l’autre. Je n’avais été qu’une plu-value dans l’intervention.

Nous étions observés et Alex m’entraînait plus loin. Je fixais sa main sur mon bras et me dégageait de son étreinte. « Je suis pas votre chihuahua non plus. » avais-je sifflé entre mes dents serrée. Je l’écoutais quand même déblatérer sur le métier de fleuriste, et ce qui lui filait la nausée. J’aurais bien trouvé sa remarque drôle parce que clairement, je ressemblais à lui quand je vomissais le romantisme de ce métier, mais j’étais encore sur les nerfs de le voir tourner autour de ma famille. « Alors trouvez-en un autre ! »
À l’intérieur de la boutique, Gemma avait fait le tour du comptoir ! « Viens ! » « Laisse-lez ! » « Fais pas semblant de ne pas être curieux ! Viens ! » Nonno n’avait pas bougé, mais il n’avait pas pu s’empêcher d’interroger ma petite-soeur qui nous observait cachée entre les fleurs de la vitrine. Si nous n’étions pas trop absorbés par notre dispute, on en aurait sans doute rigolé. « Alors ? » « Je croyais que tu voulais pas savoir ! » « Bien sûr que je veux ! » « Ils se disputent… Et pas qu’un peu… » « Il bossait bien… » « On va pas le virer ! » « Il va peut-être pas vouloir continuer si ta soeur le chasse ! » Gemma ne répondait rien, observant la scène, finalement rejointe par Nonno. « Hin… » « Quoi ? » « Je me demande si c’est à cause de lui qu’elle réalise que Matthew et elle sont différents. » Gemma se retournait vers Nonno. « Non. Elle le savait déjà. » Gemma reposait son regard sur nous alors qu’on échangeait violemment des propos. « Mais ce qu’ils ont pas du s’avouer, c’est la tension entre eux… » Et Nonno était parti en levant les bras au ciel, marmonnant en italien comme quoi la vie c’était compliqué… Ses fleurs au moins, elles étaient plus faciles à suivre.

Une journée de merde ? Je passais une excellente journée moi  ! « Elle était excellente jusqu’à ce que je vois votre gueule de scone ronchon ! » Il me descendait en flèche et je ne comprenais même pas comment il pouvait se permettre une telle mauvaise foi. C’était moi l’insupportable égoïste ? Je serrais les dents, en l’observant, le souffle rapide, pressé par la colère. « Ma mauvaise humeur et mon manque d’optimisme ? Je suis égoïste moi ? Vous plaisantez ? Avant de me donner des leçons et de jouer à la pauvre victime, regardez-vous en face et demandez vous si à ma place vous seriez heureux de voir travailler un ancien criminel avec votre famille… »
Il en rajoutait une couche et cette fois je le bousculais, le poussant légèrement en arrière. J’avais perdu mon sang froid mais Alex allait beaucoup trop loin.
« Je suis pas une psychopathe. Je ne vous traque pas quand vous n’êtes pas mêlé à une affaire criminelle. Je ne me débrouille pas pour me retrouver au contact de vos proches. Enfin ! Encore faudrait-il que vous en ayez !? Faut dire que ça donne pas envie quand on voit que c’est courir le risque de se retrouver entre quatre planches ou en prison ! Qui est l’égoïste hein ? » Ma voix n’avait pas vacillé, mais il s’en était fallu de peu. Rollins était dans un lit d’hôpital et depuis le début, je m’en sentais responsable. Alors lui donner des leçons, taper là où ça faisait mal en me servant de sa famille, c’était vraiment que pour piquer en retour parce que je me sentais coupable pour Ezra et qu’il m’avait blessée. Mais ça, Alex ne le savait pas et déjà, je regrettais de m’être servie de ce que je savais contre lui. C’était pas moi de réagir comme ça. « J’aurais pas du dire ça… » Je reculais, levant les mains à mon tour dans un signe d’apaisement et surtout de regret. Trop tard, j’avais assurément été trop loin moi aussi.  « C’est ma famille dans cette boutique. C’est pas un jeu… » avais-je repris, plus calmement, comme une sorte d’excuse ou d’explication à l’horrible uppercut que je venais de lui balancer en évoquant son frère et sa soeur. « C’est drôle tant que c’est entre vous et moi. Mais eux… » Eux, ils étaient tout pour moi. On touchait pas.

On était littéralement en train de s’engueuler en pleine rue, au yeux de tous alors que nos regards étaient d’une noirceur sans fin, l’un envers l’autre. Ce n’était pas partie de grand-chose mais on se retrouvait tout deux à se balancer les quatre vérités, si bien que la situation s’envenimait malgré nous de secondes en secondes. Gemma et Matteo n’en avaient pas perdu une miette, alors que j’attirais là Lieutenant un peu plus loin pour ne pas se donner en spectacle plus longtemps devant eux, malgré le regard assassin qu’elle m’avait adressé au simple contact physique que nous avions eux. Elle m’attaquait à son tour, je répliquais à chacune de celles-ci. Je n’étais pas au courant que mon ancien boss faisait partie d’un trafic louche. Ça n’avait été qu’une fois dans le bain que je m’étais peu à peu rendu compte de ses manigances. Pour ce qui est du reste, je répondais du tac au tac si bien que les quelques passants aux alentours détournaient le regard en notre direction :

Ma mauvaise humeur et mon manque d’optimisme ? Je suis égoïste moi ? Vous plaisantez ? Avant de me donner des leçons et de jouer à la pauvre victime, regardez-vous en face et demandez vous si à ma place vous seriez heureux de voir travailler un ancien criminel avec votre famille…

Je ne joue pas à la « pauvre victime » ! Si je représentais une menace pour qui que ce soit ici je n’aurais pas franchis un pied sur le sol Américain ! Réfléchissez Wetherhold ! – pestais je en faisant un signe de main, agacé de ses reproches incessants. Je n’étais pas un tueur. Certes mon casier étant bien fournis et je n’étais pas un enfant de cœur, mais je n’étais plus le même homme. J’essayais de changer. Et j’étais en bonne voie. Mais ça n’avait pas convaincu là Lieutenant, qui soudain, d’un geste de sa main se posant sur mon torse, me repoussa un peu plus. Je n’avais jamais vu dans son regard autant de fureur, de colère, de dégoût…

Je suis pas une psychopathe. Je ne vous traque pas quand vous n’êtes pas mêlé à une affaire criminelle. Je ne me débrouille pas pour me retrouver au contact de vos proches. Enfin ! Encore faudrait-il que vous en ayez !? Faut dire que ça donne pas envie quand on voit que c’est courir le risque de se retrouver entre quatre planches ou en prison ! Qui est l’égoïste hein ?

Ça m’avait stoppé net. Mon regard s’était noirci davantage encore mais les traits de mon visage prenaient un aspect différent. Touché au vif. Une plaie béante dont Wetherhold connaissait le secret et appuyait une nouvelle fois. Encore. Un bref mouvement de recul avait arrêté notre conversation sur le champ. Willow dépassait les bornes. Comme j’avais pu le faire aussi. Elle le savait. Mais elle avait aussi raison. Le regret se lisait sur son visage aussitôt :

J’aurai pas dû dire ça… - lançait la jeune femme d’un geste. C’était trop tard pourtant. Qu’elle le veuille ou non la vérité avait une fois de plus franchit la barrière de ses lèvres. Et je me la prenait une nouvelle fois en pleine tronche. Un court silence s’était installé, alors que mon regard n’avait pas quitté le sien un seul instant. J’étais connu pour déstabiliser autant que je voulais mon interlocuteur mais cette fois encore, c’est la lieutenant qui gagnait à ce petit jeu. Elle avait tapé là où ça faisait mal mais c’était la fois de trop. Je comprenais cependant son désir de protéger sa famille. Je n’avais pas réussi à en faire autant et j’admirais ce côté protecteur chez elle. Elle au moins n’avait pas à faire face à cet échec, bloqué sur la conscience depuis des années. J’acquiesçais d’un signe de tête malgré tout :

Restez là.. – annonçais je en lui bousculant l’épaule au passage pour rejoindre la boutique à cinq mètres. Je rentrais à l’intérieur, alors que Gemma faisait mine d’arroser les fleurs de la vitrine, je retrouvais Matteo derrière son comptoir et luttait pour paraître impassible. Je l’informais arrêter les livraisons dès maintenant, faisant aussi cadeau du dernier paiement. Je serrais la main du patriarche, saluant Gemma aussi au passage et je quitta la boutique à peine quelques minutes plus tard, retrouvant Wetherhold un peu plus loin. Je me postais de nouveau face à elle, mâchoire serrée de notre discussion précédente :

Vous dormirez mieux ce soir. – annonçais je impassible – Je m’excuse, je n’aurais pas dû m’immiscer autant dans votre vie. Désolé. – c’était un effort, mais un peu moins conséquent pour Wetherhold. J’avais dépassé les limites avec elle, et ça bien avant cette altercation. Si je voulais changer, ça commençait par reconnaître mes erreurs, non ? Je suppose du moins. Chaque mot de cette phrase m’aurait arraché la gorge en temps normal. Je retirais une cigarette de mon paquet plongé dans ma poche et l’allumait sans plus attendre, prenant une bouffée généreuse de nicotine. Cette femme n’était décidément pas comme toutes les autres, loin de là. Cette alchimie entre nous était telle que l’inconnu me faisait vraiment flipper. Je l’admirais autant que je la détestais et même après cette dispute, sa beauté était inégalable et son regard d’une profondeur sans fin. Mais c’était probablement la dernière fois que nos chemins se croisaient. C’était mieux comme ça. Pour tout le monde – Prenez soin d’eux.. – c’est une fois qu’on perd quelque chose qu’on se rend compte de la valeur de ces moments, de nos proches. Je tournais les talons, déterminé à regagner ma voiture. C’était probablement la meilleure solution et la seule issue à tout ça.



@Willow Wetherhold  

Des tas de pourritures arrivaient aux Etats-Unis chaque jour, alors qu’est-ce que j’en savais moi, si Alex était vraiment inoffensif ? Mon instinct avait la réputation d’être infaillible, mais je n’avais pas vu venir ce qui était arrivé à Rollins. Comment se faire confiance à 100% après ça ? Je pouvais jouer les flics sûre d’elle, depuis l’accident d’Ezra, j’avais l’impression d’être une bombe à retardement avec un compte à rebours secret. Tobias s’inquiétait, Matthew sans doute aussi. J’étais déjà pas toujours facile à vivre à la base, mais depuis que Rollins était à l’hôpital et encore plus depuis que son neurochir’ avait émis l’hypothèse de le débrancher, c’était la pagaille dans ma tête. C’était comme si on s’apprêtait à me débrancher moi, quelques années plus tôt. Et s’il était là ? Et si je ne parvenais pas à convaincre tout le monde de lui laisser le temps de revenir ? J’étais restée 11 mois comme un légume, mais maintenant, j’étais assez en forme pour être à nouveau flic et me prendre la tête avec un énergumène anglais qui me retournait le cerveau.
Je n’avais même pas répondu pour la peine. Parce que non, clairement, même si je croyais instinctivement qu’Alex tentait de s’offrir une nouvelle vie loin de ses anciennes activités, je n’étais pas rassurée de le voir tourner autour de Nonno et de Gemma. Et si ses anciens partenaires d’affaire avaient soudainement envie de se venger ? Ou son frère en prison ? Je savais pas moi, ce qu’il en était vraiment de tout ça. Alors j’avais beau savoir que le sort de sa famille était un sujet assez sensible pour le blesser, j’avais besoin de protéger les deux espions qui se trouvaient actuellement dans la boutique parce qu’ils étaient tout ce que j’avais. Ils sont ma famille, mon sang, mes piliers.

Mais voilà, dans ma volonté de les protéger, j’avais blessé Alex. J’avais tapé là où ça faisait mal, enfonçant une lame dans une plaie qui n’avait de toute évidence pas encore cicatrisé. Sauf que le mal était fait. J’avais beau avoir reculé et avoir exprimé le regret spontané de mes propos, j’avais blessé l’anglais. Son regard était devenu plus sombre encore et trop fière pour m’excuser, j’espérais quand même qu’il lise dans le miens que j’étais désolée d’avoir franchi une nouvelle fois la limite.
Alex me bousculait avant de reprendre la direction de la boutique. « Alex… » avais-je presque supplié alors que je comprenais aussitôt ce qu’il allait faire. J’avais suivi jusqu’à l’entrée de la boutique. Gemma me lançait un drôle de regard, interrogateur, ne comprenant pas ce qui s’était passé. Nonno serrait la main d’Alex, la déception se lisant sur son visage et je reculais pour laisser sortir le british.
J’aurais du lui dire qu’il n’avait pas à faire ça, que au pire je l’aurais à l’oeil mais qu’il n’avait qu’à rester parce qu’il faisait apparemment bien son boulot et que d’une façon ou d’une autre il avait réussi à se faire apprécier par ma famille. Ma famille qui me regardait, sans comprendre ma réaction. Je haussais les épaules avant de me retourner et de me retrouver à nouveau en face d’Alex.

Il s’excusait. Ça me laissait con, y’avait pas d’autres façon de le dire. Je sentais tous les bons mots se bousculer dans ma gorge mais quand ils menaçaient de sortir, il se heurtaient à la barrière de mes lèvres. Je l’observais allumer sa cigarette. J’avais pas envie de le remercier de partir, j’arrivais pas à lui dire de rester non plus. J’avais l’impression que cette fois, on ne se reverrait pas, que ce n’était pas comme notre dernier trajet en voiture jusqu’à sa villa et ça me faisait chier. Et ça me faisait chier que ça me fasse chier parce que j’étais avec Matthew et que ce truc là, cette tension avec Alex, n’était pas censée exister.
Willow Wetherhold, muette. Putain, y’avait bien que lui pour provoquer ça. J’avais rien trouvé à dire, rien qui ne convienne vraiment à mes pensées toutes embrouillées. Rien qui ne parvienne à passer entre les mailles du filet de mon ego et de ma fierté. Il tournait les talons et je l’observais s’éloigner.
C’était mieux comme ça. Mieux pour Nonno et Gemma parce que je ne savais plus si mon jugement sur Alex était assez fiable pour le laisser travailler avec eux. En temps normal, j’aurais dit oui, tout en restant prudente malgré tout mais je pense qu’il était en quête d’une nouvelle vie, d’une seconde chance et il y avait le droit. Mieux parce que y’avait ce truc bizarre entre nous entre attraction et animosité qui me faisait me sentir coupable envers Matthew. Même s’il ne s’était jamais rien passé, je savais que jour avec le feu faisait courir le risque de se brûler et j’étais bien trop fidèle et attachée au médecin pour le blesser à cause d’Alex.

J’étais revenue à la boutique. « Y’a d’autres livraisons de prévues pour aujourd’hui ? Je les ferai. » Gemma et Nonno se regardaient. « Je vais m’en occuper, t’inquiètes. Y’en a plus que deux. » Ma p’tite soeur était partie chercher ses affaires dans l’arrière boutique et les deux bouquets qu’elle devait livrer. J’étais restée plantée au milieu de l’espace de vente, sentant le regard de Nonno me scruter. Quand ils étaient à nouveau tous les deux devant moi, j’avais été obligée de donner des explications. « Je suis désolée de vous avoir fait perdre votre livreur… » « C’est mieux comme ça ? » Je regardais Nonno et haussais les épaules. « Je sais pas. » avais-je avoué alors qu’ils échangeaient un nouveau regard. « Ok, ce soir ça sera lasagnes et limoncello chez Nonno. » avait décrété ma petite-soeur avant de filer pour ne pas me laisser le temps de refuser.
Seule avec Nonno, je soupirais. « Je suis désolée. » Il balayait tout ça d’un revers de la main. « C’est mieux pour toi ? » Je fronçais les sourcils en observant le patriarche italien. « Je ne suis pas un bambino qu’on doit protéger. Je sais qui est Alex Smith. » « Tu sais ? » « Eh… Je ne sais pas ce qu’il a fait avant et que toi, tu as l’air de savoir, mais je sais quel genre d’homme il est… On n’apprend pas au vieux singe… » Je hochais la tête, il n’avait pas besoin de terminer l’expression, j’aurais du faire confiance à Nonno et son jugement. « J’ai un peu de mal à faire confiance à mon instinct. » Nonno esquissait un sourire en coin, qui ressemblait à celui que j’arborais souvent. « Bien sûr que tu lui fais confiance… C’est pour ça que tu ne l’as pas rattrapé. Mais ce n’est pas pour nous protéger nous, c’est pour te protéger toi. » J’ouvrais la bouche pour protester. Touchée. « Et Matthew. » Coulée.
J’abandonnais l’idée de dire quoi que ce soit et me mordait la lèvre inférieure, soucieuse. « C’est une mauvaise herbe. » Comme moi. Nonno avait hoché la tête avant de reprendre ses activités florales. « Mais j’aime bien le jardin où je suis. Je veux pas d’autres mauvaises herbes pour le gâcher. » Il avait souri en assemblant les tiges du bouquet qu’il était en train de confectionner. « Alors si c’est mieux pour toi, c’est mieux pour moi. On trouvera quelqu’un d’autre. » Et même si je me sentais soulagée de voir que Nonno ne m’en voulait pas de lui avoir fait perdre son employé, je me sentais coupable d’avoir fait perdre son job à Alex. La première fois, c’était pas ma faute, il bossait pour le mauvais gars. Cette fois, c’est pour des raisons personnelles que je l’avais poussé vers la sortie et c’était pas juste pour lui. Il avait raison au fond, le british, j’étais égoïste.